Tu seras un homme, mon fils.
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Tu seras un homme, mon fils.
A dire vrai, j'ai une sainte horreur de la poésie, et parler de sainte horreur est manifeste pour un athée. Il n'y a que Rimbaud et Kipling qui réussissent à toucher mon coeur empoussiéré.
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
Rudyard Kipling
Rudyard Kipling
Re: Tu seras un homme, mon fils.
Superbe hymne à la sagesse et à la mesure !
Je ne suis pas très poésie non plus mais celles qui sonnent bien et qui sont lourdes de sens, compréhensibles, sans se faire mystiques ou bourrées de références à la mords-moi le noeud (genre Gérard de Nerval... qui était quand même un génie)... Je ne peux que savourer.
Je ne suis pas très poésie non plus mais celles qui sonnent bien et qui sont lourdes de sens, compréhensibles, sans se faire mystiques ou bourrées de références à la mords-moi le noeud (genre Gérard de Nerval... qui était quand même un génie)... Je ne peux que savourer.
DestroY-Sae- Plumeau
- Messages : 88
Date d'inscription : 27/06/2009
Age : 30
Re: Tu seras un homme, mon fils.
C'est ce qu'il y'a de pesant dans la poésie moderne... Faut forcément avoir digéré la Pléiade pour comprendre ne serait-ce qu'une simple allusion à la vie...
Re: Tu seras un homme, mon fils.
Oui. Et puis tous ces gens qui te pondent des trucs incompréhensibles avec un air détaché, genre moi je sais ce que ça veut dire donc tu te dois de comprendre.
(Comme un enfant de 5 ans qui croit que tout le monde est dans sa tête : "Et alors Myriam... Tu connais Myriam, hein? -Euh non ma chérie, je suis ta baby-sitter tu vois, pas ta copine d'école.")
Mais je dois admettre avoir été parfois joliment surprise par des textes beaux à en pleurer dont je ne comprenais pas un traître mot. C'est peut-être ça, le talent du poète. Toucher les gens en racontant n'importe quoi.
(Comme un enfant de 5 ans qui croit que tout le monde est dans sa tête : "Et alors Myriam... Tu connais Myriam, hein? -Euh non ma chérie, je suis ta baby-sitter tu vois, pas ta copine d'école.")
Mais je dois admettre avoir été parfois joliment surprise par des textes beaux à en pleurer dont je ne comprenais pas un traître mot. C'est peut-être ça, le talent du poète. Toucher les gens en racontant n'importe quoi.
DestroY-Sae- Plumeau
- Messages : 88
Date d'inscription : 27/06/2009
Age : 30
Re: Tu seras un homme, mon fils.
Tu sais, nous sommes souvent regardés comme des lépreux quand nous clamons haut et fort que Madame Bovary c'est mauvais.
Re: Tu seras un homme, mon fils.
MADAME BOVARY, C'EST MAUVAIS.
*va se planquer derrière Jones*
*va se planquer derrière Jones*
DestroY-Sae- Plumeau
- Messages : 88
Date d'inscription : 27/06/2009
Age : 30
Re: Tu seras un homme, mon fils.
Non, puis quand on sait que Flaubert a affirmé Madame Bovary, c'est moi!, c'est encore plus déroutant...
Re: Tu seras un homme, mon fils.
C'est sûr que c'est pas le genre de truc que je crierais sur tous les toits, mais bon.
DestroY-Sae- Plumeau
- Messages : 88
Date d'inscription : 27/06/2009
Age : 30
Re: Tu seras un homme, mon fils.
Ben... je veux pas m'immiscer, surtout que j'ai pas grand chose à dire. Mais c'est là tout le plaisir !
Pas Poésie et encore une fois même Kipling ne me fait pas changer d'avis... Trop long, trop vertébré, trop compact (et là je crois être la seule à me comprendre)...
Comme toutes les petites filles, il n'y a que les fables et les paysages dans mon univers poétique !
Mais merci, très cher Jones, pour ce partage ! Je ne connaissais pas !
Pas Poésie et encore une fois même Kipling ne me fait pas changer d'avis... Trop long, trop vertébré, trop compact (et là je crois être la seule à me comprendre)...
Comme toutes les petites filles, il n'y a que les fables et les paysages dans mon univers poétique !
Mais merci, très cher Jones, pour ce partage ! Je ne connaissais pas !
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